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#Enveloppe ? 3 : de l'enveloppe à l'espace comme expression de soi

  • Alexandre Constant
  • 18 sept. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 nov. 2021



L'espace

Espace et enveloppe sont forcément intriqués car qu'est l'espace dans lequel je me trouve si ce n'est un lieu dans lequel je me projette, que j'appréhende et que je structure par rapport à moi ?


Pour revenir au développement de l'enfant, une première étape va marquer l'entrée symbolique de l'importance de l'espace : l'objet transitionnel. Communément appelé « doudou » et vulgairement simplifié au rôle d'objet permettant de se détacher du parent, l'objet transitionnel est la manifestation de la création, justement, du transitionnel, de cet espace d'entre deux entre le « avec le parent », où durant une période plus fusionnelle l'espace psychique de l'enfant et celui du parent n'était que peu différenciés, et le « sans le parent », qui traduit l'émergence de l'intime et d'un espace psychique propre. Avec le doudou, l'enfant montre qu'il y a quelque chose qui n'est qu'à lui et dont il défend les limites. Le doudou c'est fondamentalement la manifestation symbolique de la création de l'intime de l'enfant, ce qu'il ne doit jamais quitter, ce qui ne doit jamais être lavé, qui contient ses traces et ses odeurs. Il le garde précieusement car il évite l'effondrement psychique et corporel de l’abandon et ouvre la porte à la séparation et à l’exploration.


Parallèlement, il s'approprie ses lieux. De l'espace intime du doudou apparaît l'espace de l'habitat familiale, et des jeux qui jalonnent toutes les pièces de la maison.


L'enfant va ensuite se recentrer sur son lieu: sa chambre, premier grand lieu dont il est l'unique propriétaire, et dont le joyeux capharnaüm marque ce que cette période a d’ébullition créatrice.

Propriété qu'il manifeste, enfant, par des jeux et qu'il revendiquera de sa valeur identitaire à l'adolescence.


Par extension, expériences et élaborations, nous allons observer de nouvelles manifestations de cet intime et de cette faculté à délimiter des espaces.



L'enfant crée sa première cabane en se cachant sous ses draps. Cette dernière va ensuite prendre forme, de façon rudimentaire puis de plus en plus complexe.

Les espaces deviennent délimités et représentés par un objet qui marque des camps, des buts auxquels sont attribués des notions d'appartenances ou des règles de jeux.


A l'adolescence, posters, musiques, parfums (nous retrouvons nos enveloppes sensorielles...) envahissent l'espace. Par la suite à l'âge adulte, cet investissement de l'espace comme lieu de l'intime se donnera à voir dans la décoration ou le rangement, dans cette façon dont nous avons le sentiment qu'un lieu est « un cocon chaud » ou « froid et austère», dans ce qui nous pousse à refuser à certains qu'ils entrent chez nous alors que, pour d'autres, la porte est ouverte. Nous « refaisons notre intérieur » comme nous changeons de style vestimentaire au fil de notre évolution psychique. « Les goûts et les couleurs ça ne se discutent pas ! » mais ils nous racontent, et à nous en premier lieu. Nous avons beaucoup à gagner en comprenant que notre espace nous parle de nous mais probablement des aspects les plus profonds et premiers de nous.


Ce rôle de l'espace, et particulièrement de la distance entre soi et autrui, fut particulièrement étudié par Edward T Hall, anthropologue américain. Dans La Dimension cachée, Hall nous décrit différentes manières d'organiser l'espace entre individus en fonction de différentes cultures. Il montrera, à partir d'observations chez les mammifères, puis chez l'homme, le risque accru de violence dans les cas de surpopulation et de non respect de ces dimensions.

Pour l'heure je ne m'attarderais que sur la description rapide des distances interpersonnelles que Hall présentent au nombre de quatre : les distances intimes, personnelles, sociales et publiques. Dans le cadre de notre sujet je ne ferai référence qu'aux deux premières. Dans d'autres cultures, pour des raisons historiques, religieuses, culturelles et sociales, le rapport au corps, et donc à l’autre et à l'espace, peut être totalement différent. Nous retrouverons la même classification mais avec des distances différentes :

  • la distance intime dans son mode proche (dans le contact sexuel, la lutte, le réconfort, la protection) ou éloignée (entre 15 et 40 cm). Ici les sens sont saturés par la présence de l'autre. Les enveloppes olfactives tendent à fusionner, l'enveloppe visuelle est saturée avec une vision déformée de l'autre et une difficulté à pouvoir observer l'espace alentour, l'enveloppe épidermique perçoit la chaleur, l’être tout entier perçoit l’état de tension psychique et corporel. Il s'agit de ne pas oublier, comme nous l'avons vu au départ, que l'appropriation et les variations de ces enveloppes sont éminemment personnelles et connectées à l'état psychique. Durant mes années passées auprès d'enfants et adolescents autistes, j'ai pu observer ces dilatations des enveloppes, ces moments où il s'agit d'être à la juste distance pour ne pas être intrusif et que l'intrusion peut être vécue dès le franchissement d'une barrière invisible à deux mètres de distance. Ce que nous constatons dans ces instants, nous le retrouvons dans bons nombres de situations ordinaires. La personne insécure, qui vit l'insécurité justement parce que son enveloppe est fragile ici pour des raisons sensorielles ou psychiques, pourra avoir tendance à chercher une solution de protection en augmentant la distance entre soi et le monde tant psychiquement que corporellement.


  • la distance personnelle en mode proche (de 45cm à 75cm) et lointain (75cm à 125cm). Si la chaleur corporelle de l'autre n'est que difficilement perceptible à cette distance, nous percevons toujours son odeur. Par ailleurs, la proximité permet encore d'être en contact avec ses messages infra verbaux et donc de percevoir l'état tonico-émotionnel (stress, tristesse, tension, exaltation, etc...) de l'autre.

Derrière ces quelques lignes se logent en fait deux projets. Le premier, c'est ici une sorte d'introduction à ce que nous aborderons plus tard sur l'enfermement et l'incarcération. Le second, c'est ici une invitation. Une invitation à être à l'écoute de ces ressentis que nous avons tendance balayer alors qu'ils viennent nous parler de nous, de notre sentiment d'être ancré ou, à l'inverse, que nous traversons une période de fragilité. Tout l'exercice consistant parfois à transmettre ce qu'on ressent de façon juste...

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