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#Enveloppe ? 2 : Le corps-accord

  • Photo du rédacteur: alexandreconstant2
    alexandreconstant2
  • 2 nov. 2021
  • 6 min de lecture



La naissance et l'élaboration de l'enveloppe.

Durant le premier épisode de cette série sur les enveloppes, j'avais présenté rapidement le terreau psychosensoriel et les fonctions de soutenance, de contenance et de consensualité : la naissance des différents canaux sensoriels, l'importance des contractions de l'enveloppe utérine, les liens intimes entre la mère et l'enfant. La naissance peut alors apparaître comme une rupture dans cette proto-enveloppe. Si les vécus anté-nataux sont primaires, et donc fondamentaux, il va maintenant falloir faire sans l'enveloppe de la paroi utérine et ce avec un bagage psychocorporel immature. Ce sont donc les parents qui vont venir accompagner le développement de l'enfant à la fois en lui servant d'enveloppe psychocorporelle mais surtout en lui donnant les éléments et l'espace nécessaire pour élaborer sa propre enveloppe singulière.


À la naissance, l'enfant n'a pas de représentation de ce qu'il vit corporellement. La faim et son cortège de sensations, par exemple, vont apparaître comme une inconnue extrêmement dérangeante et pénible pour le tout-petit. Il a froid, tremble, est tendu, sans pouvoir associer ces sensations entre elles et leurs donner sens. Incapable alors de pouvoir se représenter ce qu'il vit, l'enfant tente de contenir jusqu'à l'explosion. Ce sont alors les pleurs et hurlements qui viennent accompagner un état de tension élevé pour faire face à ces vécus corporels irreprésentables. L'enfant entre dans le dur psychique et corporel : hyper-extension de l'axe, hypertonie des membres, c'est l'enfant en posture de chandelier.



Plus tard à l'âge adulte, si tout ne s'est pas ni parfaitement bien ni parfaitement mal passé, en présence de sensations intrusives ou nocives nous n'allons pas entrer dans les mêmes états que le bébé (quoique...) mais, pour autant, nos épaules vont grimper, le dos peut devenir tendu et douloureux, le visage se fermer avec un besoin pressant de mettre un terme à la sensation.

Des milliers de citadin.e.s, contraint.e.s de vivre un temps dans cet espace saturé sensoriellement que sont les transports en commun, affichent tou.te.s une façon de se reconstruire une enveloppe dans ces conditions : journaux, livres, écouteurs ou casques... Tout est bon pour se reformer une enveloppe sensorielle protectrice et se recentrer.


Mais pour le bébé, derrière les pleurs et les tensions, c'est l'impossibilité de se recentrer dans un enroulement contenant. Le corps et l'enveloppe explosent sans possibilité de recentrage.


Le corps accord...

Dans les premiers mois de vie, la préoccupation maternelle primaire amène la mère à une liaison singulière et profonde avec son enfant lui permettant de lui apporter ce dont il a besoin quand il l'exprime. Il est important de préciser que les mères ne sont pas les seules à développer cette hypersensibilité. Bien que la relation soit différente, la compagne ou le compagnon n'ayant pas porté l'enfant, ils développent également une vigilance sensorielle accrue à l'arrivée du tout-petit. Si ce-dernier manifeste un trouble ou un signe d'agression, les figures d'attachement vont venir palier à son système encore immature en l'enveloppant de leurs bras et de leurs mots, de leurs prosodies et de l'intonation de leurs voix, des parfums, de ce qu'ils donnent à voir dans leurs regards mais surtout dans ce qu'ils lui donnent à vivre corporellement et toniquement dans la posture et le mouvement. Plus le parent sera connecté à ses propres ressentis et à ce qu'il perçoit de ceux de son enfant, plus il pourra aller le chercher dans son tonus et lui apporter le mou et la sécurité nécessaire lui permettant de se recentrer et de retrouver un sentiment d'unité. C'est le parent qui va tenir son enfant et le bercer. Il le tient, le contient, lui donnant à vivre une tonicité qui le rassure, parce qu'ajustée à ce qu'il vit de singulier, et sur laquelle il va pouvoir se reposer : c'est contenir sans contraindre. Ce n'est que si l'enfant sent cette sécurité psychique et émotionnelle incarnée qu'il pourra par la suite s'autoriser à relâcher la tension. Dans ce dialogue tonique, dans les profondeurs même du psychocorporel, se loge les premiers sentiments de reconnaissances de ce que l'enfant vit en tant qu'être singulier. Dans ces instants d'ajustement tonico-émotionnel et de holding psychomoteur, l'adulte accompagne l'enfant dans sa reconstruction d'une enveloppe, l'inscrit dans une historicité, une permanence et une unicité : il y a un avant, un pendant et un après cet épisode.


Par ce qu'il vit, et par la présence de parents tout autant « suffisamment bons » que « suffisamment mauvais », l'enfant va expérimenter de nombreuses gammes tonique : du mou qui contient et aide au recentrage au mou dépressif qui englouti, du dur qui contraint, bloque, enferme et intruse au dur qui étaye et aide à s'ériger. D'une base tonique à la naissance, avec une hypertonie des fléchisseurs des membres et une hypotonie de l'axe, l'enfant va vivre et se construire tout un nuancier de vécus lui permettant d'acquérir une ambivalence tonique. Ce sera le développement de l'équilibre, la détente progressive des fléchisseurs des membres, la tonification de l'axe, la posture érigée, la marche, etc... Sur cette ambivalence tonique vont s'articuler les rythmes biologiques et relationnels. C'est, enfin, sur cette base que vont s'étayer les sensations, la vie affective et psychique.

Comme nous l'avons vu, et en reprenant notre exemple, c'est le parent qui va venir mettre un terme aux sensations de faim, certes en le nourrissant, mais fondamentalement en l'accompagnant à s'enrouler, à retrouver son sentiment d'enveloppe, d'unicité et de permanence, en le portant, en le tenant, et en donnant du sens à ce qu'il vit. Ce corps à corps, ce dialogue tonico-émotionnel, est donc fondamental pour le développement de l'enfant. C'est dans ce corps à corps qu'il est étayé dans la mise en sens de ce qu'il vit corporellement, mise en sens qui s'accompagnera de l'éprouvé de pouvoir à nouveau s'enrouler et se recentrer.


Ce sont également des instants où l'enfant va éprouver comment la régulation des émotions est intimement lié au lien à l'autre. Les modalités d'attachement, la capacité à mettre du sens sur les sensations et à accueillir les émotions forment donc une seule et unique tresse. Si, face aux cris ou aux pleurs de l'enfant, la seule réponse du parent est un objet inerte comme une tétine, l'enfant vit que, face à des sensations qui le débordent, il ne peut trouver son apaisement que dans des objets inanimés et non dans la relation à l'autre. On ne le répétera jamais assez : un enfant a avant-tout besoin des bras, du corps, de la chaleur, de l'odeur, de la voix et du regard de parents congruents et consistants. Rien ne remplace ça.


Ainsi est-il nécessaire d'accompagner les tout-petits dans ces mouvements d'ouverture-fermeture tant dans le portage que dans les soins et les massages. Et comme nous sommes dans une société qui éprouve bien du mal à faire que tout ceci soit naturel, je ne peux que vous inviter à vivre ces beaux moments d'échanges et de partages dans des ateliers portages et des ateliers massages comme ceux proposés par Olivia du leharicotmagique.fr . Olivia est une camarade psychomotricienne qui a développé toute une activité à destination des parents et de leurs bébés. Vous trouverez auprès d'elle la chaleur, l'écoute et le professionnalisme d'une psychomotricienne aguerrie !



Pour ceux et celles qui souhaiteraient lire à ce sujet, les ouvrages sont nombreux. Spontanément je pense à "L'enfant tonique et sa mère" de Suzanne B ROBERT-OUVRAY, qui aborde tous ces aspects d'une façon très accessible.







La répétition des situations va permettre à l'enfant d'élaborer sa structure psychocorporelle, sorte d'architecture tonico-émotionnelle qui va se complexifier dans le temps. Elle est le baromètre émotionnel intime et singulier de l'être dans ses profondeurs. À chaque instant, notre corps nous dit et exprime l'état dans lequel nous nous trouvons et ce que nous percevons du lieu, de l'environnement, des personnes qui nous entoure et de ce qui se joue consciemment et inconsciemment, etc... et ceci à la lumière de notre passé. Dans les semaines à venir, vous verrons comment des failles répétées dans l'accordage peuvent être à l'origine de troubles de l'attachement ou de troubles de l'image du corps pouvant favoriser l'émergence de conduites à risques, d'addictions, etc. Ces dernières ne sont pas si éloignées de ce qui se jouait dans le passé car elles ont bien souvent pour objectif d'apaiser, d'arriver à mettre du sens sur ces inconnues du corps et à se représenter ce qui se vit en faisant l'économie du lien à l'autre...

 
 
 

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